Extrait d'avis au ministre

Kymriah (Leucémie lymphoblastique)

Dénomination commune / Sujet : tisagenlecleucel
Nom du fabricant : Novartis
Forme : Susp. Perf. I.V.
Teneur : 1 200 000 à 600 000 000 cellules CAR-T

Indication : Traitement de la leucémie lymphoblastique aigüe à cellules B récidivante ou réfractaire

Recommandation de l'INESSS
Modification d'une indication reconnue

Décision du Ministre
Surseoir à la décision (2024-12-12)

Évaluation publiée le 04 décembre 2024

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Extrait d'avis au ministre sur Kymriah 790 KiO

La leucémie lymphoblastique aigüe est le cancer le plus fréquent chez les enfants. Le sous-type qui comprend un genre d’anticorps appelé cellules B (LLA-B) constitue la majorité des cas. Bien que cette maladie touche davantage les enfants, elle peut également apparaître chez l’adulte. Les symptômes associés à la LLA-B incluent notamment de la fatigue, des saignements, une grande vulnérabilité aux infections et une perte de poids. Il s’agit d’une maladie grave qui évolue rapidement et qui, sans traitement, entraîne le décès.

Le traitement initial chez les enfants et les jeunes adultes est composé d’une chimiothérapie combinant plusieurs agents, ce qui guérit la plupart des patients. Cependant, environ 1 patient sur 5 verra sa maladie réapparaître après ce traitement, ou il arrive que ce dernier ne soit pas suffisamment efficace. Les patients seront alors orientés vers un autre traitement pour tenter d’amener la maladie en rémission. D’autres combinaisons de chimiothérapie, le blinatumomab (BlincytoMC) ou l’inotuzumab ozogamicine (BesponsaMC) constituent les traitements les plus communs à ce stade de la maladie chez les enfants et les jeunes adultes. Ces traitements peuvent être utilisés dans certains cas comme thérapies de transition vers une allogreffe de cellules souches, c’est-à-dire que ces dernières proviennent d’une autre personne. Bien que l’allogreffe puisse guérir les patients, peu y sont admissibles et ce traitement comporte des effets secondaires importants.

Le tisagenlecleucel (KymriahMC), ou tisa-cel, est une thérapie cellulaire, plus précisément une immunothérapie par cellules T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T). L’effet de cette immunothérapie repose sur le concept selon lequel les cellules immunitaires peuvent reconnaître et détruire les cellules cancéreuses. Les thérapies CAR-T requièrent le prélèvement des globules blancs du sang du patient et leur modification génétique dans une usine spécialisée, puis leur réintroduction chez ce même patient afin qu’elles reconnaissent et détruisent les cellules cancéreuses. Ce traitement s’administre par voie intraveineuse en une dose unique. Plusieurs étapes et traitements préalables sont nécessaires à l’administration du tisa-cel, ce qui nécessite une hospitalisation avant et après la perfusion.

En 2019, l’INESSS a reconnu la valeur thérapeutique du tisa‑cel pour le traitement de la LLA‑B récidivante ou réfractaire sur la base de 3 études de faible qualité, dont l’étude principale, ELIANA. Des incertitudes avaient été soulevées concernant les résultats d’efficacité et d’innocuité à long terme. L’ampleur et le maintien de la réponse au tisa-cel restaient également difficiles à évaluer en l’absence de comparaison adéquate, et considérant la nature innovante des thérapies par cellules CAR‑T. À cette époque, l’Institut avait recommandé de réévaluer ultérieurement le tisa-cel afin de pouvoir confirmer les résultats sur la base du suivi à plus long terme des patients de l’étude ELIANA et de données collectées en contexte réel de soins applicables au contexte québécois, y compris les répercussions organisationnelles dans les milieux de soins. 

La réévaluation de l’efficacité et de l’innocuité du tisa‑cel s’appuie sur de nouvelles données à plus long terme de l’étude ELIANA, ainsi que sur l’appréciation des données collectées en contexte réel de soins, y compris des données québécoises. Il ressort du suivi à long terme de l’étude ELIANA que près de la moitié des patients sont encore en rémission après 5 ans, ce qui est considéré comme une guérison. Toutefois, il demeure difficile d’apprécier l’ampleur de l’efficacité du tisa‑cel, car ce traitement n’a pas été directement comparé à d’autres administrés au même stade de la maladie. La comparaison des données de l’étude ELIANA avec celles d’études portant sur les chimiothérapies utilisées antérieurement ou avec celles sur le blinatumomab suggère qu’à la lumière des données mises à jour, le tisa-cel est plus efficace que ceux-ci pour prolonger la vie des patients. Les résultats collectés en contexte réel de soins, dont certains proviennent d’un établissement au Québec, montrent qu’il est possible de reproduire les résultats d’efficacité observés dans l’étude ELIANA. Les effets secondaires potentiellement graves, et typiques des traitements par cellules CAR‑T, sont des événements neurologiques et une réponse inflammatoire dans tout le corps appelée syndrome de relargage des cytokines. Les résultats du suivi à long terme n’ont pas révélé de nouveaux effets secondaires. De plus, les effets secondaires du tisa‑cel sont pris en charge par des équipes formées dont l’expertise s’est améliorée du fait de plusieurs années d’utilisation de ces thérapies. Qui plus est, les résultats obtenus en contexte réel de soins semblent suggérer que le tisa‑cel est mieux toléré que dans l’étude ELIANA. 

Le coût de traitement par le tisa-cel est élevé et supérieur à celui des chimiothérapies et du blinatumomab. Lors de son évaluation en 2019, ce coût additionnel n’a pu être justifié par les bienfaits cliniques (c.‑à‑d. ses effets bénéfiques sur la durée et la qualité de vie des patients). Le rapport entre son coût additionnel et son efficacité supérieure, bien qu’incertain en raison des données cliniques du moment, n’avait pas été jugé favorable. De plus, lors de cette évaluation l’INESSS estimait que durant les 3 premières années, le remboursement du tisa-cel pour 16 patients entraînerait des dépenses additionnelles d’environ 7,5 millions de dollars sur le budget des établissements de santé. À la lumière des nouvelles données cliniques, la réévaluation du rapport entre son coût et son efficacité suggère qu’il pourrait être acceptable. De plus, l’impact budgétaire suivant son inscription s’est avéré conforme aux prévisions : 7,2 millions de dollars sur le budget des établissements de santé sur 3 ans, et ce, pour le traitement de 16 patients. Au cours des 3 prochaines années, l’INESSS estime que la poursuite du remboursement du tisa-cel entraînerait des dépenses additionnelles d’environ 13,5 millions de dollars sur le budget du système de santé pour le traitement de 30 patients.

En ce qui concerne l’organisation des soins, en raison des modalités d’administration du traitement et du suivi des effets secondaires, le tisa‑cel nécessite la mobilisation de nombreuses ressources du système de santé. La dose unique de tisa‑cel doit être administrée par une équipe formée pour gérer ce genre de traitement. Il y a actuellement 1 centre au Québec qui administre les thérapies par cellules CAR-T chez les enfants et 3 centres pour les adultes, ce qui peut limiter l’accessibilité au traitement.

L’INESSS est conscient de l’importance, pour les patients et leurs proches, d’avoir accès à différentes options de traitement pouvant mener à la guérison. Dans un contexte de ressources limitées, il doit formuler des recommandations pour que ces ressources soient investies de façon responsable dans l’ensemble du système de santé. C’est pourquoi l’INESSS recommande au ministre de poursuivre l’encadrement de KymriahMC, mais d’en modifier l’indication reconnue pour le traitement de la LLA-B récidivante ou réfractaire.

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