L'utilisation des électrochocs au Québec
2003-02-19 |
Un traitement controversé
Le traitement aux électrochocs, aussi appelés électroconvulsothérapie (ECT), vise à provoquer chez le patient une convulsion par l’administration d’un courant électrique au cerveau. Depuis son introduction en psychiatrie en 1938, l’utilisation de l’ECT a suscité la plus vive des controverses, tant sur le plan social que scientifique. Au cours des premières décennies, les électrochocs étaient appliqués sans anesthésie et servaient souvent de moyen de coercition auprès de patients difficiles. L’opinion publique reste d’ailleurs marquée par cette utilisation abusive. Au milieu des années 1960, grâce à l’introduction de médicaments antipsychotiques comme les neuroleptiques, et sous la pression de l’opinion publique, l’utilisation de l’ECT a fortement diminué.
Depuis cette première période, le traitement aux électrochocs a grandement évolué. Il est maintenant administré sous anesthésie, et le patient reçoit un curarisant, c’est-à-dire une substance qui permet de relaxer les muscles et d’éviter ainsi les blessures qui pourraient survenir pendant les convulsions. De même, la technique d’application du courant électrique a été modifiée : alors qu’auparavant, on plaçait les électrodes des deux côtés de la tête (technique bilatérale), on peut également aujourd’hui les disposer au-dessus de l’hémisphère droit du cerveau. Cette technique, dite unilatérale droite, semble réduire les risques d’atteinte à la mémoire des patients. Depuis une quinzaine d’années, on observe une certaine recrudescence de l’utilisation des électrochocs. Au Québec, le nombre de séances d’électrochocs a plus que doublé entre 1988 et 2001, passant de 0,47 à 1 séance par 1 000 de population générale.
Avantages et risques des électrochocs
L’évaluation réalisée par l’AETMIS conclut que les électrochocs ont une efficacité démontrée pour certaines indications. Ainsi, l’ECT constitue un type de traitement accepté en présence de formes graves de dépression, résistantes à la pharmacothérapie et à la psychothérapie. De même, les électrochocs demeurent le traitement de choix pour traiter la catatonie pernicieuse – une forme particulièrement grave d’un syndrome pouvant mener à la mort du patient. Par contre, son utilisation dans les cas de schizophrénie et de manie devrait être très limitée, en fonction du jugement clinique du médecin et des préférences du patient. Enfin, l’ECT devrait être considérée comme une technique expérimentale pour traiter les maladies neurologiques, telle la maladie de Parkinson.
Sur le plan des risques, l’ECT et l’anesthésie qui l’accompagne peuvent provoquer certaines complications cardiovasculaires et des conséquences négatives sur les fonctions cognitives, principalement certaines formes d’amnésie, bien que la plupart de ces effets disparaissent rapidement ou après quelques mois. On soupçonne également la possibilité que le traitement provoque de légers changements au niveau des cellules du cerveau.
Des recherches plus poussées seraient nécessaires afin de quantifier les risques de ces effets indésirables. Il semble toutefois que le niveau de risque et l’efficacité du traitement soient étroitement liés à la technique d’administration de l’ECT et de l’anesthésie. Les technologies qui pourraient éventuellement se substituer aux électrochocs, soit la stimulation magnétique transcrânienne et la stimulation du nerf vague, bien que prometteuses, n’ont pas encore dépassé le stade expérimental.
Pour un meilleur encadrement des électrochocs
Malgré la hausse observée du nombre des séances d’électrochocs au Québec, la fréquence d’utilisation se compare à celle qu’on observe ailleurs au Canada et dans les autres pays industrialisés. Cependant, comme dans d’autres pays, la fréquence du traitement semble varier d’une région à l’autre sur le territoire québécois. Il serait donc important de mieux documenter et de mieux encadrer les pratiques, afin d’assurer la meilleure qualité de soins possible pour les patients pouvant bénéficier des traitements aux électrochocs. C’est d’ailleurs pourquoi l’AETMIS présente plusieurs recommandations qui invitent les instances gouvernementales, les professionnels de la santé, les centres hospitaliers et les ressources communautaires à prendre les mesures appropriées. L’Agence recommande ainsi de favoriser la recherche pour accroître les connaissances sur l’efficacité et les risques des électrochocs et de mettre en place des mesures de contrôle de la qualité, incluant des registres d’utilisation dans les hôpitaux. Il est également recommandé de déployer les efforts nécessaires pour informer les patients et le public, et de s’assurer en particulier que le patient et ses proches soient le mieux informés possible lors du consentement au traitement. Enfin, l’AETMIS propose de doter les groupes communautaires en santé mentale des moyens d’accompagner les patients et leurs proches dans le processus de traitement.